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La Houille Blanche
Number 3, Juin 2013
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Page(s) | 12 - 20 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/lhb/2013020 | |
Published online | 15 July 2013 |
Crues paroxystiques du bassin de la Seine depuis 1780. A propos de la prééminence de la crue de janvier 1910 et des crues du 20e siècle comme aléas de référence et des périodes d’hiver pour la survenue des grandes crues
Paroxysmal floods on Seine basin since 1780. About the rule of the flood happened in January 1910 and other floods of the 20th century as reference and about winter periods for the occurrence of the great floods
EPTB Seine Grands Lacs – 8 rue Villiot, 75012
Paris
email : frederic.gache@seinegrandslacs.fr
En 1996, l’Agence de l’Eau Seine Normandie a commandé un atlas des plus hautes eaux connues (PHEC) dans le but d’apporter un aléa de référence aux acteurs de ce bassin. Ce document ambitieux a été réalisé par deux grands bureaux d’études. Il comprend des cartes papiers au 1/25000ème sur l’ensemble des axes du bassin et dont les références sont la crue de janvier 1910 et d’autres notamment janvier 1924 ou 1955. Des sources de la Seine jusqu’à l’embouchure du Havre la prééminence de ces crues qui prévalait déjà depuis une trentaine d’années de nouveau été réaffirmée à cette occasion. La crue de janvier 1910, dont le retour d’expérience a engendré les premiers films sur une catastrophe de ce type, ainsi que plusieurs milliers de pages de documents officiels, sert donc de référence pour l’établissement de nombreuses cartes d’aléas des PPRI et demeure aussi dans l’imaginaire commun comme une sorte de Léviathan moderne dont il faut conserver le souvenir.
Tout d’abord, il convient bien entendu de ne pas minimiser l’importance de cette crue exceptionnelle, car elle a frappé l’agglomération parisienne, ainsi que l’ensemble du bassin et constitue toujours une référence sur certains axes, notamment l’Yonne moyenne et aval, le Loing et la Seine à l’aval de Melun jusqu’à l’aval de la région parisienne. Cependant, il ressort de l’analyse des archives du service central hydrométrique du bassin de la Seine, des archives nationales et départementales ou du Centre d’archives contemporaines de Fontainebleau deux éléments importants : D’autres crues ont égalé ou supplanté parfois largement cette référence. Nos recherches nous ont en effet permis d’exhumer vallées par vallées des événements plus importants sur la Marne amont (Octobre 1840, novembre 1944), moyenne (novembre 1924) et aval (mars 1784), l’Yonne amont (mai 1836, septembre 1866), la haute et moyenne Seine (mai 1836) et sur de très nombreux affluents de ces grands axes : Grand Morin, Armancon, Saulx, Ornain, etc.).
La majorité de ces crues importantes ne se sont pas déroulées pendant l’hiver. En effet, il est largement admis par la communauté scientifique et les pouvoirs publics que les grandes crues de la Seine se déroulent entre décembre et mars (on dispose depuis 1650 environ d’une série chronologique continue des crues de la Seine à Paris, Cf. Belgrand, Pardé, Babinet, Goubet, etc.) puisque le couvert végétal et l’évaporation notamment empêchent généralement la survenue de grandes crues aux périodes estivales. Or, les crues dont nous apportons le détail ont eu lieu à des périodes dites « chaudes » (mai-novembre).
Certes, les crues que nous mettons en avant n’ont pas affecté l’ensemble du bassin de la Seine et donc pas l’agglomération parisienne de façon désastreuse, c’est peut être d’ailleurs pour cela qu’elles passent le plus souvent inaperçues. Cependant, il ressort que localement leurs impacts dommageables ont été largement plus importants qu’en 1910, que les précipitations génératrices apparaissent comme des records et que leur vitesse de propagation a réservé bien des surprises aux services d’annonce des crues de l’époque, ce qui les a d’ailleurs parfois entraînés à revoir leurs formules d’annonce des crues
Malgré les incertitudes concernant les débits de certains de ces événements (dont la majorité a tout de même été jaugée ou calculée par des services des Ponts et Chaussées), ils ont représenté localement des références, puisque l’analyse des archives montre que leur souvenir s’est transmis de façon continue dans les services de l’Etat jusque dans les années 1960-70. Cependant, à partir de cette date, une rupture est sans doute intervenue puisque leur évocation s’est rapidement estompée et que les pouvoirs publics les évoquent rarement et ne les utilisent plus dans les calculs de prédétermination des crues. La focalisation actuelle sur la crue de janvier 1910et celles du 20ème siècle masque ainsi une réalité, la survenue de crues supérieures (mais moins étendues), différentes dans leur propagation et à d’autres saisons. Nous serions avisés de les prendre en considération à l’heure de l’application de la directive inondations 2007/60/CE et de celui de l’évaluation des changements climatiques sur l’hydrologie du bassin de la Seine.
Abstract
In the middle 1990’s, the Seine Normandy’s Water Board made an atlas of the biggest floods known, in order to define a hazard reference for main rivers of the Seine basin. This study was ordered to two major consultancies. The results confirmed that references are floods that happened at the 20th century, notably in January 1910, 1924 or 1955. Thousands of pages of official documents were written about 1910’s flood, and the first films related to a catastrophic flood are due to this event. That flood still serves as a reference for the current policies (PPRI).
Without minimizing this extraordinary flood, some other important elements appear from the analysis to the datas of official archives. Indeed, other events have equaled or exceed this reference, sometimes widely. Our research has unearthed some higher events on the Seine catchment, as March 1784, May 1836, or September 1866).
If one of these floods occurred in late winter, we were mainly surprised by the season in which took place the two other events. Indeed, it is widely accepted by officials that most of the large floods of the Seine (since 1650) take place between December and February. Actually, the canopy and evaporation prevent generally the occurrence of major floods in the summer months. It appears that their locally impacts were far more important than 20th centuries flood. Their velocity of propagation sometimes surprised flood forecasting services, which has also forced them to revise their flood forecast formulas.
Despite uncertainties about the real discharges of some of these flood (most of which still been calculated by the state utilities), they represented local references.
The analysis of archives shows that memory of floods was transmitted continuously in the State utilities until the 70’s. However, from that date, a trouble is maybe occurred; they rarely speak, and no longer use them in calculations of flood frequency. However, shouldn’t we no better consider old events at the time of the «preliminary risk assessment» of the flood Directive and also the flood assessment of climate change on the Seine basin’s hydrology?
Mots clés : Crue de référence / Seine / historique
Key words: Flood reference / Seine / Historical account
© Société Hydrotechnique de France, 2013